Programme ANR-09-BLAN-0070-01 financé par l'ANR

Contexte et positionnement du projet

La croissance de la population humaine et la difficulté croissante des combustibles fossiles à satisfaire les besoins énergétique de l'humanité, sans parler de leur impact nuisible sur l'environnement et le climat, implique que de nouvelles options énergétiques non nuisibles au climat doivent être trouvées et mises en place à long terme. La fusion thermonucléaire contrôlée confinée magnétiquement est l'une de ces options. L'état actuel de la recherche sur la fusion est aujourd'hui tel que la communauté mondiale investit lourdement dans le projet ITER, qui aura pour objectif de répondre à la plupart des questions demeurant au sujet de la physique des plasmas de combustion, y compris le contrôle du plasma pour de longues périodes de fonctionnement (quelques centaines de secondes), le chauffage par particules alpha et la physique qui s'y rattache, le chauffage de plasma par ondes EM, (cyclotron ionique, hybride et électronique) et les interactions plasma-paroi à très fort flux de chaleur (jusqu'à 10MW.m-2) [Loarte2007].

Pour faire face à la charge des flux importants d'énergie et de particules sur les composants face au plasma (CFPs) du réacteur [Lipschultz2007], ainsi que pour préserver la qualité du vide et minimiser les impuretés du plasma provenant des CFPs, la conception d'ITER repose sur une solution avec 3 matériaux, à savoir :

  • le béryllium (Be, Z=4), pour la paroi principale de la cavité où les flux de chaleur sont les plus bas, pour une surface de 800 m2, un matériau très avide d'oxygène ;

  • le tungstène (W, Z=74), sur le dôme et les baffles du divertor (environ 100 m2 de surface), où les flux de chaleur seront un peu plus élevés, pour ses bonnes propriétés réfractaires et sa faible capacité à l'ablation ;

  • et le carbone (C, Z=6) pour les composants soumis aux flux de chaleur les plus élevés, c'est-à-dire les plaques de cible du divertor (couvrant 50 m2), pour son excellente résistance à la chaleur et pour la flexibilité opérationnelle qu'il peut fournir au cours du fonctionnement de la machine.

L'essentiel de la base de données opérationnelle sur les tokamaks consiste essentiellement dans des machines à murs de carbone, avec pour exceptions notables le tokamak ASDEX-Upgrade fonctionnant maintenant dans des conditions de tungstène intégral, après un changement progressif de matériau sur plusieurs années de campagnes expérimentales, et une chambre avec un mur principal de béryllium dans les premières années de fonctionnement de JET.

Ce choix multi-matériaux pour ITER n'est donc pas sans risque, car il est connu que le Be possède un point de fusion relativement bas (~1200°C), que seules de très petites quantités de tungstène peuvent être tolérées au sein du plasma de cœur avant que les pertes par rayonnement induites ne refroidissent excessivement le plasma, et que l'affinité du carbone pour les isotopes de l'hydrogène peut conduire à une érosion chimique des surfaces de carbone par les plasmas d'hydrogène et que le re-dépôt des produits d'érosion peut conduire à l'immobilisation de stocks de combustible (le tritium radioactif) sous la forme de films co-déposés, de poussières ou de flocons dans des régions peu accessibles du réacteur.

A cause de ce dernier problème, l'Organisation ITER envisage de retirer les composants en carbone du divertor en contact avec le plasma après les phases de travail de la machine impliquant de l'hydrogène et/ou du deutérium seuls, pour passer à une structure de divertor entièrement en tungstène avant de lancer les campagnes D-T.

De plus, l'alliage du tungstène et du béryllium produit une couche de bérylliure de tungstène dont le point de fusion est considérablement plus faible que celui du tungstène pur [Doerner2005]. De même, à notre connaissance, très peu de recherches ont été conduites sur le système ternaire C-W-Be et pour étudier les propriétés physico-chimiques, l'affinité pour l'hydrogène et la capacité d'adsorption de tels composés ternaires.

Le projet présenté ici s'intéresse donc à quelques-uns de ces problèmes et vise à proposer des réponses concernant les composés ternaires C-W-X, X étant un composé similaire au Be quant à sa masse (e.g. Li, B) ou quant à sa parenté chimique (Mg, Ca) et leur interaction avec un plasma d'hydrogène, éventuellement ensemencé d'impuretés (He, cendres de réactions de fusion ou de radiateurs de plasma de bord tels que le néon (Ne) et l'argon (Ar)).

Pour atteindre ce but, nous joindrons deux des forces du LIMHP, ainsi que celles de notre collaboration fructueuse et de longue date avec l'équipe travaillant sur la présence de poussières dans les plasma au LPIIM (Université de Provence, Marseille).

  • Au LIMHP, nous avons construit un simulateur de dôme de divertor, CASIMIR (Chemical Ablation, Sputtering, Ionization, Multi-wall Interaction and Re-deposition) [Lombardi2009], qui a pour but de reproduire certaines caractéristiques du plasma de bord d'ITER (« scrape-off layer », SOL) et, plus précisément, les décharges parasites secondaires qui sont attendues dans des recoins du réacteur [Matyash2005], en particulier dans l'espace sous la partie creuse du dôme du divertor conduisant aux conduits de pompage.

  • Au LPIIM, une expertise large a été construite concernant la production, l'analyse et l'étude de particules de poussières carbonées créées par l'érosion d'une électrode de graphite sous bombardement d'argon et dans des environnments de type tokamak.

  • Au LIMHP, de nouveau, nous avons une longue expérience dans la synthèse de matériaux innovants, y compris des ternaires métalliques tels que ceux nécessaires aux études envisagées dans ce projet.

C'est la synergie entre ces activités de recherche que nous voulons promouvoir, afin de traiter un problème important mais quelque peu négligé dans la prédiction du comportement à long terme des murs du réacteur ITER dans des conditions opérationnelles.

Références

[Doerner2005] R.P. Doerner et al., J. Nucl. Mater. 342 (2005) 63.

[Lipschultz2007] B. Lipschultz et al., Nucl. Fusion. 47 (2007) 1189.

[Loarte2007] A. Loarte et al., Nucl. Fusion 47 (2007) S203.

[Lombardi2009] G. Lombardi et al., J. Nucl. Mater. 390-391 (2009) 196-199 .

[Matyash2005] K. Matyash et al., J. Nucl. Mater. 337-339 (2005) 237.